PORTRAITS DE SYRIENS

  • OUSSAMA, 29 ans

Oussama est en France depuis bientôt 3 ans.

Il est d’origine palestino-syrienne, et vivait à Damas, où il avait bâti sa vie.

Il est venu à Rennes accompagné de sa mère, puis a été rejoint par sa femme un an plus tard, grâce à la démarche de régularisation familiale. 

Il a choisi de venir à Rennes car sa grand-mère y habitait, et qu’il avait accès à un logement le temps de faire les démarches administratives.

Aujourd’hui, Oussama est journaliste ; il est pigiste pour TVR 35, une chaîne de télévision locale en Ille-et-Vilaine. Il fait également de la traduction franco-arabe pour une association qui s’occupe des demandeurs d’asile arabophones qui ne parlent pas français.

Pour Oussama, la principale difficulté en arrivant en France a été de s’intégrer dans une société où sa langue maternelle et sa culture n’existent pas. Ca a été difficile de débarquer dans une ville qui lui était inconnue, dans un pays où l’unique langue parlée lui était complètement étrangère, de chercher un travail au sein même d’une société qui se compose de codes qu’il ne maîtrisait pas. 

Il a également trouvé très difficile de quitter tout ce qu’il avait construit en Syrie, sa vie, son travail, ses amis, pour arriver en France et devoir tout recommencer de 0. Il s’est senti comme quelqu’un qui vient de naître et doit tout commencer de 0, mais il avait 27 ans et avait déjà commencé ailleurs.

Somme toute, c’est la première année qui a été la plus difficile, mais Oussama a réussi à s’intégrer, à apprendre le français, trouver du travail, et ce, tout en effectuant les démarches administratives.

Oussama a appris le français en plusieurs phases. Tout d’abord, sur internet, grâce aux différentes ressources disponibles en ligne. Par la suite, on lui a conseillé de suivre les cours de français dispensés trois fois par semaine par l’association Tous pour la Syrie. Lorsqu’il a atteint un niveau correct, il a suivi une formation professionnalisante (Wintegreat) à Sciences Po, Rennes. C’est surtout grâce à la pratique quotidienne du français qu’Oussama a réussi à bien apprivoiser la langue.  

Lorsqu’on lui demande s’il se sent bien intégré, Oussama répond qu’il ne pense pas être en mesure de répondre à cette question. Il juge ses proches et sa famille plus aptes à le faire, mais dit qu’aujourd’hui, il connaît bien la ville de Rennes. Il parle bien français, s’est fait des amis et a effectué plusieurs stages dans le journalisme, puis il a un travail ; il dirait que oui, il se sent intégré.

Aujourd’hui, Oussama ne regrette pas la Syrie. Au départ, il ne voulait pas fuir le pays, mais après avoir vécu 6 ans dans des conditions très difficiles, c’est rapidement devenu indispensable pour sa sécurité.

A propos de retourner en Syrie lorsque la guerre sera finie, Oussama n’en sait rien ; il ne peut pas dire non, car il a quitté la Syrie de force. Même s’il se sent bien intégré en France, la Syrie reste l’endroit où il a construit toute sa vie. 

  • WAFAA, 43 ans

Wafaa est en France depuis presque 6 ans.

Elle est syrienne, et vivait dans un petit village dans la campagne de Damas. 

Elle est venue à Rennes accompagnée de sa mère, de son frère, et de son autre frère et sa femme et ses enfants.

Elle n’a pas vraiment choisi de venir à Rennes ; l’association qui s’est chargé de les déplacer a choisi la France, et plus spécialement Rennes.

Aujourd’hui, Wafaa ne travaille pas ; elle recherche un emploi et continue son apprentissage du français. Elle s’est également inscrite en deuxième année de Licence d’arabe pour l’année prochaine à l’Université Rennes 2.

Pour Wafaa, la barrière de la langue a été sa principale difficulté en arrivant en France. C’était loin d’être évident de communiquer en ne sachant pas le français ; sinon, elle n’a pas rencontré de difficulté particulière. En fait, Wafaa et sa famille n’ont pas eu de difficulté à s’intégrer ; l’association qui les a aidé avait organisé tout le voyage, de l’aéroport jusqu’au logement à Rennes, qui était lui-même prêt lorsqu’ils sont arrivés. Ainsi, tout a été relativement facile pour eux en arrivant ici.  

En fait, c’est la première année qui a été le plus difficile ; sa mère était malade et elle devait s’en occuper, elle n’a donc pas eu le temps de rencontrer d’autres personnes et de nouer des liens.

Wafaa a d’abord appris le français pendant deux mois, au CLPS, afin d’obtenir son titre de séjour. Ensuite, elle a passé 3 mois au CIREF, à Rennes 2, pour améliorer son français, et depuis, elle a un niveau B1 et continue quotidiennement d’apprendre des mots nouveaux. 

Lorsqu’on lui demande si elle se sent bien intégrée, Wafaa répond oui, surtout depuis son passage au CIREF, où elle a noué des relations et s’est fait des amis.

Wafaa regrette la Syrie ; c’est l’endroit où elle a tous ses souvenirs, c’est là qu’elle a grandi, où il lui reste de la famille et la plupart de ses amis.

En revanche, elle ne souhaite pas y retourner une fois que la guerre sera terminée, car il ne reste plus rien de sa vie d’avant là-bas, sa maison est détruite et toute sa ville aussi. Elle a tout perdu en Syrie, et si elle y retourne, il faudrait tout recommencer. Tout recommencer, cela prend du temps et c’est difficile. 

  • YOUMNA, 17 ans

Youmna est en France depuis un peu plus d’un an.

Elle est syrienne et vivait à Damas avec sa famille.

Elle est venue à Rennes avec ses parents, ses trois frères et sa soeur. 

Ils ont choisi de venir ici car Youmna a sa tante qui habitait déjà ici, et ils sont très proches et ne voulaient pas vivre loin les uns des autres.

Aujourd’hui, Youmna est lycéenne ; elle est en seconde et aspire à devenir médecin.

Pour elle, ce sont les premiers mois qui ont été les plus durs, car elle ne connaissait rien au système français ; prendre le bus à Rennes était un mystère pour elle. De plus, les processus administratifs français sont bien plus compliqués qu’en Syrie. Youmna dit même que les premiers mois, elle se croyait dans un rêve. “En France, tout est beau. Il y a des fleurs partout, les gens sont gentils. Ca ne me paraissait pas réel. C’était comme si j’imaginais. J’ai toujours voulu venir en France, et c’est comme j’avais toujours rêvé.” Aujourd’hui, tout est beaucoup plus facile ; elle adore la France et s’est fait des amis. “Ici, je peux aller à l’école. En Syrie, c’était trop dangereux, c’était impossible.”

Youmna a appris le français en allant au lycée. “En Syrie, il n’y a pas de bons professeurs de français, alors je ne pouvais pas apprendre la langue” dit-elle. Elle suit également des cours de soutien scolaire avec l’association Tous pour la Syrie, ce qui l’aide à consolider ses points faibles et comprendre les points peu clairs. Lorsque quelqu’un lui parle français, elle dit comprendre quasiment tout. Cependant, elle ne parle pas encore très bien la langue, car elle ne la pratique pas énormément ; à la maison, ils parlent arabe. Quand elle est au lycée, elle parle toute la journée avec ses amies, alors elle parle très bien. Aujourd’hui, à cause du coronavirus, cela fait longtemps qu’elle ne les a pas vues, alors elle les appelle de temps en temps. 

Lorsqu’on lui demande si elle se sent bien intégrée, elle répond oui. Elle a des amis, des ambitions, va au lycée et vit très bien.

Aujourd’hui, l’opinion de Youmna sur la Syrie est mitigée. Elle ne s’y sentait pas du tout en sécurité et est contente d’être venue vivre en France. Cependant, elle aime son pays ; elle dit ne pas aimer les gens qui y vivent. “C’est bizarre, c’est dangereux maintenant”. Ce qui lui manque le plus, c’est le jasmin.

A propos de retourner en Syrie lorsque la guerre sera terminée, Youmna dit oui ; quand elle sera plus grande, et que le président actuel sera parti. Mais pas pour y vivre, seulement pour retrouver ce qu’il restera de son pays, et le visiter. Elle imagine totalement sa vie en France, et veut y rester.

  • HOUSSAM, 37 ans 

Houssam est en France depuis 5 ans et demi.

Il est syrien, et vient d’un petit village dans la campagne de Damas. 

Il est arrivé à Rennes en famille, avec sa mère et sa soeur. 

Il n’a pas vraiment choisi Rennes de sa propre initiative ; c’est l’association Coallia, qui s’est chargée de les déplacer, qui a pris cette décision.

Aujourd’hui, Houssam est employé dans une entreprise de signalisation depuis 3 ans.

Pour lui, le plus difficile en arrivant en France a été de ne pas savoir parler français ; cela lui a posé de gros problèmes pour communiquer, et il est resté presque une année sans réellement comprendre lorsqu’on lui parlait. Le côté administratif complexe en France lui a également posé problème ; peu habitué, il était perdu, car en Syrie il n’y a pas autant de démarches à faire ni de papiers à remplir. De plus, l’impossibilité de jouir de son diplôme d’infographiste obtenu en Syrie l’a pénalisé dans sa recherche d’emploi ; sa formation initiale n’est pas valable ni reconnue en France, et faire la formation équivalente en France était beaucoup trop chère et demandait un niveau trop haut de français. 

Aujourd’hui, la vie en France se passe beaucoup mieux pour Houssam.

Houssam a appris le français en allant au CLPS pendant 2 mois, puis en suivant les cours du CIREF à l’Université Rennes 2. Il a arrêté ses cours en trouvant du travail ; les deux étaient incompatibles au niveau des horaires. 

Lorsqu’on lui demande, Houssam répond qu’il se sent bien intégré ; travail, amis, appartement. Ca a bien changé depuis la première année où il est arrivé. 

Pourtant, aujourd’hui la Syrie lui manque. Il y a passé plus de 30 ans et c’est loin d’être facile d’oublier toutes ces années. De plus, là-bas, il a toujours de la famille et des amis. Oui, il est un peu nostalgique.

Quant à y retourner lorsque la guerre sera finie, il ne sait pas ; c’est difficile à dire. Les trois quarts de la Syrie sont dangereux, aujourd’hui. Les choses ne redeviendront jamais comme elles ont pu l’être ; retourner là-bas dans quelques années, ça voudrait dire tout recommencer, encore. Il ne peut pas. 

  • OMAR, 23 ans

Omar est en France depuis le 30 avril 2018. 

Il est syrien et vient d’Alep, dans le Nord-Ouest du pays.

Il est venu en France seul, et a laissé sa famille derrière lui, en Syrie.

Venir vivre à Rennes n’a pas été son choix personnel, mais celui de Coallia, l’association qui l’a aidé à se déplacer. Il a vécu dans deux familles d’accueil françaises sur Rennes, le temps de trouver un logement.

Aujourd’hui, Omar suit une formation professionnalisante, la prépa clés, au CLPS pour apprendre le français et se mettre en situation professionnelle. A l’issue de cette formation, il désire suivre une formation de maintenance des véhicules pour devenir mécanicien. 

Ce qui a été le plus dur en arrivant en France, pour Omar, ça a été l’aspect administratif. “Il y a trop de papiers”, dit-il. En Syrie, en Turquie, au Liban, ce n’est pas comme ça. Le mode de vie français est différent de celui syrien, et ça a représenté un grand changement pour lui, dans un premier temps. Maintenant, il est habitué. Au début, puisqu’il n’y comprenait rien, il a reçu de l’aide de la part de l’association Coallia, qui l’a aidé à obtenir la protection subsidiaire. Aujourd’hui, il entame les démarches pour vivre en foyer.

Omar a appris le français en suivant les cours de français dispensés par l’association Tous pour la Syrie pendant un an et demi. Il y a quelques jours, il a été accepté au CPLS. 

Lorsqu’on lui demande, Omar se sent bien intégré. Il est content de suivre sa formation, et espère pouvoir travailler dans le domaine qui l’intéresse. Il va même pouvoir faire des stages grâce au CLPS.

La Syrie lui manque, c’est certain. Il a toujours sa famille, là-bas.

Quant à y retourner, lorsque la guerre sera finie, il ne sait pas, il n’est pas sûr. 

  • Abed : 53 ans

Abed est en France depuis 2013. Il vient de la ville de Deir Ezzor qui est une ville de Syrie sur les rives de l’Euphrate ; elle est la capitale du gouvernorat du même nom, à 450 km de Damas.

Il a choisi Rennes en suivant les conseils d’amis mais aussi car il trouve que c’est une ville ni trop grande ni trop petite, « elle a la taille idéale».

Abed est actuellement deux jours par semaine éducateur sportif mais il est également prof d’anglais bénévole.

Les difficultés rencontrées en France viennent principalement des démarches administratives, or c’est selon lui le facteur clé de l’intégration. Et la complexité des papiers en France engendre une véritable barrière à l’intégration notamment en ce que le travail en est un signe fort. Il prend l’exemple de l’équivalence des diplômes. C’est quelqu’un de compétent qui a obtenu un master en arts martiaux, il a suivi des formations dans plusieurs pays tel qu’à Moscou mais aussi en Allemagne. Malgré ses solides connaissances il est trop difficile en France de trouver une équivalence à ses formations et compétences.

Abed a appris le français grâce au CIREF (Centre International Rennais d’Étude de Français pour Étrangers) à Rennes 2 où il a obtenu le niveau B2. Il a poursuivi son apprentissage de la langue au sein de l’association Tous Pour La Syrie avec Annette au champ libre avec les autres bénévoles. Ce sont des amis qui lui ont fait connaître l’association car Abed voulait aider les autres syriens notamment ceux restés en Syrie. Ainsi il a commencé en 2013 les collectes.

Il se sent bien intégré en France car il connaît le pays depuis longtemps, il l’a visité la première fois en 1996, c’est quelqu’un qui aime voyager et travailler à l’étranger. Il a beaucoup d’amis en France et est occupé par son travail, et les différentes activités au sein de l’association. Selon lui, l’intégration passe principalement par la culture telle que le sport c’est pour cela qu’il s’investit dans l’association en promouvant des événements sportifs, comme le tournoi de football qui a eu lieu à Cancale en 2019.

Abed ne pense pas retourner en Syrie. Même s’il nous déclare «c’est mon pays» il n’envisage pas un retour possible. Tout d’abord car il aime voir d’autres choses à l’étranger il est parti avant la révolution mais aussi car il pense que la Syrie, même si la situation se stabilise, va mettre du temps à se reconstruire.